La France veut instaurer un prix minimum pour les vols et s’attaque aux compagnies low-cost

Le Ministre des transports Clément Beaune proposera à l’UE une politique de prix minimum pour les vols, afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre. On peut lire dans cet article publié par Gael Camba sur Euronews les propos du ministre : « les billets d’avion à 10 euros, ce n’est plus possible » et plus loin [un prix de billet très bas] « ne reflète pas le prix pour la planète ».

Mais quelles sont les différentes hypothèses envisageables ? Et leurs retombées possibles ?

Vous pouvez accéder à l’article complet d’Euronews en cliquant ici.

Dans un premier temps, le raisonnement peut être double :

Schéma 1 : On instaure une taxe en misant sur le fait que l’augmentation du prix minimum dégage suffisamment de rentabilité additionnelle pour que les compagnies puissent la supporter et la financer (et tant pis pour les autres qui mourront de leur belle mort).

 

Schéma 2 : En augmentant le prix minimum, on peut miser sur le fait qu’il y aura moins de passagers, des vols moins remplis et moins rentables, ce qui entraînera une réduction d’offre de la part des compagnies aériennes. Au bout du bout, moins de vols = moins d’émission carbone. Joli coup à 3 bandes.

 

Dans le schéma 1, mettez cette taxe si bon vous semble mais laissez les compagnies se débrouiller pour augmenter leur rentabilité sans leur imposer quoi que ce soit sur le prix. Elles auront bien d’autres leviers (le prix autre que le prix minimum, le remplissage, la réduction des coûts, le développement de revenus annexes…)

Dans le schéma 2, la mesure est injuste et inefficace à bien des égards Inefficace car :

– La baisse probable du nombre de passagers pourrait être intégralement compensée par la hausse du prix moyen résultant. Cela dépendra de la part des clients qui refusent la hausse – et ne voleront pas – et la part de ceux qui l’accepteront, contribuant à une hausse du prix moyen. Si les effets se compensent, aucun impact sur la rentabilité, mais la situation sera pire qu’avant (un bilan carbone par passager plus élevé car autant de vols mais moins de clients par vol)

– Les revenus annexes des Low Cost (choix du siège, supplément bagage, consommations à bord…) peuvent représenter jusqu’à 50% des revenus. Il sera facile pour un pricer chevronné de compenser la hausse du prix minimum par une baisse des prix sur les options et suppléments afin que le client paye au global la même chose qu’avant. La mesure serait alors inefficace car facilement contournable. 

– Le prix d’un billet n’a de sens qu’en aller/retour s’agissant du bilan carbone. Car pour faire le retour, il faut bien que le vol fasse l’aller. Or, un billet à 300€ peut se décomposer en 50€ aller + 250€ retour ou en 150€ aller + 150€ retour par exemple. Cela ne change absolument rien à rien. C’est donc en aller/retour que le bilan carbone se joue, là où on impose une hausse de prix par billet, ce qui équivaut à ne raisonner qu’en allers simples.

Injuste car :

– Augmenter le prix minimum des billets, c’est quelque part introduire une distorsion de concurrence en s’attaquant de manière ciblée aux Low-cost. Or, les Low-cost sont souvent plus rentables que les compagnies nationales, elles ont des taux d’occupation en moyenne plus élevés et une flotte plus moderne que les compagnies traditionnelles. Pas sûr que leur bilan carbone par passager soit plus élevé que les Legacies.

– Il serait injuste de ne s’attaquer qu’au prix seul quand d’autres configurations conduisent à un tout aussi mauvais bilan carbone, par exemple sur des vols à faible remplissage. On voit mal le Ministre imposer aux compagnies des délestages ou un remplissage minimum sur des vols qui sont pourtant un désastre écologique. Ce serait commercialement inacceptable et ce serait ingérable pour les compagnies aériennes comme pour les clients. Mais si le problème est bien le bilan carbone (et non les Low-cost ou les prix bas en tant que tels), il faudrait par souci de justice s’attarder sur ces vols-là et pas sur la problématique du prix.

Alors pourquoi ne pas s’attaquer directement au sujet ? On a par exemple plus de 40 vols par jour sur Paris-Madrid ou Paris-Rome. On pourrait envisager, sous l’égide de IATA (l’association du transport aérien international) ou tout autre organisation supranationale, de diminuer les slots distribués dans les grands aéroports internationaux (les slots étant les créneaux horaires de décollage et d’atterrissage). Et le faire par exemple au prorata du Programme de chaque compagnie. Cela réduirait mécaniquement le nombre de vols et l’emprunte carbone.

Car pour réduire efficacement les émissions de CO2, il ne faut pas réduire le nombre de passagers par vol, il faut réduire le nombre de vols.

D’autres leviers existent pour poursuivre dans cette voie : un encouragement fiscal conséquent au renouvellement de la flotte pour des avions plus sobres. Les dernières générations du type A3210 neo réduisent les émissions de plus de 20% par rapport aux générations précédentes. On peut aussi parler des kérosènes de synthèse, ou des kérosènes solaires qui pourraient être encouragés (à l’instar de ce qu’envisage la compagnie Swiss).

Il existe donc de vrais bons leviers pour réduire l’emprunte carbone de façon plus directe. Ne détournons pas la discussion sur le prix qui n’a vraiment rien à voir avec le sujet. Ce serait inefficace, injuste et contraire dans l’esprit au bon respect des règles d’une concurrence libre et non faussée.

Mots-clés : prix minimum pour les vols, emprunte carbone, compagnie aérienne, Low-cost

CELA POURRAIT VOUS INTÉRESSER…