Le métier du Revenue Management (ou Yield Management) comprend plusieurs facettes. S’il faut parfois jouer dans la cour de la diplomatie et être à l’écoute des équipes commerciales et marketing, il ne faut pas avoir peur de monter sur le ring de la négociation quand il le faut, et troquer ses gants de velours pour des gants de boxe. Le Revenue Management en mode fight. Décryptage.

Un entraînement intensif

Une des qualités premières du bon Revenue Manager est la fermeté. Etre ferme n’est pas être têtu. C’est la capacité à rester constant dans ses positions si aucun argument rationnel ne vient vous faire changer d’avis. Au contraire de l’entêté qui reste sur ses positions quels que soient les arguments échangés.

On tente tour à tour de séduire le Yield Manager, de le chouchouter, de le harceler, de l’intimider même en lui faisant porter la responsabilité d’un effondrement des ventes s’il ne cède pas aux demandes répétées de commerciaux en recherche permanente de discount.

S’habituer à prendre des coups, à faire parler la vérité intransigeante des chiffres, à esquiver les pièges d’un argumentaire superficiel. Telle est la préparation du Revenue Manager. Peaufiner ses armes et s’apprêter à monter sur le ring…

La montée sur le ring

L’avantage, c’est que le Yield détient généralement le niveau le plus fin de l’information. Des données jour par jour, par réservation, en volume et en prix moyen, par canal de vente, par nature de dégradation tarifaire, avec des indicateurs de contribution, de performance commerciale, de dilution, de prévision au niveau le plus fin.

La réunion approche. Une salle carrée. Sans public, parfois sans arbitre. Les protagonistes s’assoient sans se regarder. Le Yield Manager est armé. Préparé. Affûté.

Et le combat commence…

Premier round

Les premiers coups vont tomber : « on est trop cher », « on n’a pas assez de stock », « je perds mon Client », « mes ventes s’effondrent », « j’ai besoin d’une remise », « il me faut un allotement ». « Mon marché est en retard ».

Ce n’est pas tout, deuxième salve : « je n’atteindrai jamais mon budget », « le Yield m’empêche de faire mon travail », « tes équipes refusent toujours mes demandes d’offres spéciales », « ils sont enfermés dans leur tour d’ivoire ». « Qu’ils viennent un peu sur le terrain ».

Round d’observation pour le Yield. Il écoute, il ne se démonte pas. Il encaisse. Plus ou moins difficile, tout dépend de la passion de son adversaire. Heureusement il n’en manque pas non plus. Et il a plusieurs avantages, les données et une vision globale de l’entreprise.

La riposte

Le Yield Manager peut ensuite dérouler son plan de bataille : objectiver la décision. Le Yield Manager s’appuie sur des chiffres pour décider, il ne doit surtout pas être sur de l’émotionnel et il va attirer son partenaire de combat sur ce terrain. Le Yield Manager connaît toutes ses demandes. Ce sont très souvent, voire toujours, les mêmes. Il a préparé sa réunion. Il connaît les chiffres.

Par rapport à qui ? À quoi ? Le retard est-il réellement dû à un prix trop élevé ?

C’est parce que 2 de tes Clients ont décommercialisé notre produit. Les autres sont en avance, en volume et en prix moyen. Il faut travailler la distribution, le prix ne semble pas être un problème sur ton marché.

Encore une…? (sic) Les 6 dernières ont généré 15 ventes en moyenne, là où tu en avais promis 200. Pourquoi celle-ci ferait mieux ?

Il reste 30 000 chambres à vendre sur l’été. Au lieu de vendre les stocks les plus sexys qui partent tout seuls sur le web, concentre tes équipes pour vendre là où on en a besoin.

On peut faire mieux en vendant sur d’autres marchés et d’autres canaux. On va dépasser le budget au global, quitte à faire moins bien sur ton périmètre. Doit-on s’en priver ?

Quelle contre-partie en échange ? Combien de ventes additionnelles tu comptes faire pour compenser la baisse de prix ? Comment comptes-tu communiquer notre offre ? Sur quel média, pour quel retour sur investissement ?

Pas de coups bas

La négociation a des règles. La vie en entreprise aussi. Le Revenue Manager riposte en défendant les intérêts de l’entreprise. Une approche globale qui peut entrer en contradiction avec des considérations locales. On respecte ses interlocuteurs. On démontre. On argumente. Les meilleures armes du Revenue Management sont les chiffres, l’analyse, la capacité à garder la tête froide et à ne pas sur-réagir aux micro-événements. Mais aussi l’humour parfois, l’audace souvent, la pédagogie, toujours.

Cela demande de la ténacité. Mais le Revenue Management doit assoir son autorité rapidement pour ne pas se laisser déborder. Marquer son territoire et se faire respecter. Gagner en crédibilité sur des premiers choix judicieux. Gagner la confiance de la Direction Générale. Sans coup bas. Le Revenue Management n’a rien à cacher. Il assume ouvertement ses positions.

Ne jamais mettre KO son adversaire d’un jour qui doit devenir son partenaire de demain. Après la tempête, autour d’un bon café, on enlève ses gants de boxe pour reprendre ses gants de velours. Mais la main de fer est toujours là (attention tout de même à ne pas se brûler avec le gobelet de café, le métal est extrêmement conducteur de la chaleur…).

Ces combats ne sont ni absurdes ni malsains. C’est même la preuve de la bonne santé de l’entreprise car il faut bien que la demande soit supérieure à l’offre pour que le Yield la trie afin de maximiser le chiffre d’affaires. Le jour où il n’y aura plus de combat, c’est que le Yield ne dérangera plus les commerciaux. Soit il n’y aura plus assez de demande à trier, soit le Yield ne la triera plus laissant le premier arrivé se servir. Le ring fermera ses portes, et bientôt l’entreprise aussi…

Pascal Niffoi & Romain Charié
Directeurs Associés Chez N&C