Quand la viticulture rencontre le Revenue Management

Quand on vous dit que le Revenue Management s’applique à tout… Au cours de ces 10 années chez N&C, nous avons accompagné une centaine d’entreprises dans plus de 30 secteurs d’activité différents. Récemment, nous avons eu la chance de former une belle entreprise bordelaise, issue d’un secteur qui fait la fierté de la France, une propriété viticole, le Château Haut-Lagrange.

Si l’on prend souvent comme exemple dans nos formations la carte des vins d’un restaurant pour expliquer le principe d’ancrage des prix*, on n’avait que rarement creusé la question du RM dans le vin. Et pourtant… !

Le vin, secteur niche dans le Revenue Management

Le vin est une ressource limitée pour le viticulteur : le nombre de bouteilles produites par millésime est figé. Dès lors qu’il n’y a plus de 2019 en rouge, on ne peut plus en refaire. Alors, comment estimer que l’on vend trop vite, ou pas assez ? Quel est le bon rythme de vente ?  Combien de temps doit-on garder à la vente un millésime ? 1 an, 2 ans, 3 ans, plus ? Assurément si l’on a écoulé toute la production d’une cuvée en moins d’un an, empêchant de faire la jonction avec le millésime suivant – on n’a plus de blanc à vendre –, on se retrouve dans une situation de contrainte. Le prix de vente aurait dû être plus élevé.

Si nous ne sommes plus sur les gardes d’il y a quelques années où le vin n’atteignait maturité qu’après une dizaine d’années, il est toujours recommandé d’attendre quelques temps pour boire un millésime. Si le château conserve plus longuement ses millésimes et les propose à ses clients à maturité pour dégustation immédiate, le prix peut être – doit être – plus cher. On n’achète plus un millésime, mais un millésime à maturité, à boire tout de suite. Ça se rapproche de la bouteille d’eau que nous sommes prêts à payer plus cher en plein été.

À quoi faut-il faire attention lorsque l’on souhaite faire du Yield sur du vin ?

Le mix de distribution est aussi à étudier finement. S’il peut être intéressant de vendre aux grossistes une certaine quantité (ils payent moins cher en échange d’un certain volume), la vente à la propriété est la plus rentable et est très saisonnalisée, notamment pendant l’été et les week-ends estivaux. Et en réalité, en regardant les chiffres de vente, on s’aperçoit que cette demande est tout à fait prévisible. Il est donc possible de faire des prévisions de vente et de définir clairement ce que l’on vendra aux grossistes et cavistes. Et… un peu comme avec la météo pour d’autres secteurs où l’on surestime son impact sur les ventes, le millésime ne semble pas jouer sur le rythme de vente. Les clients sont venus à la propriété pour déguster du vin avec dans l’optique d’acheter si cela leur plaît. Peu importe finalement le millésime.

Tout comme les restaurants ont plusieurs références à la carte, pour un viticulteur, le fait d’avoir plusieurs millésimes à vendre – ce qui veut dire conserver des bouteilles sur plusieurs années – permet d’être plus à même de proposer un vin qui plaira au consommateur. On trouve plus facilement chaussure à son pied quand on vous propose cinq paires, qu’une seule.

Enfin, la comptabilité est intéressante et apporte son lot d’avance mirage**. On peut se féliciter une année d’avoir bien vendu, en ayant vendu de nombreuses bouteilles. Mais on comptabilise sur cette année fiscale les ventes de tous les millésimes. Si on augmente notre rythme de vente année après année sans augmentation de la production, alors on se retrouvera de facto à un moment à court de stock. Et s’il faut maintenir un niveau de CA chaque année pour payer les charges. Il faut en réalité maximiser le CA de chaque millésime.

Ajoutez à cela le fait que la production du nombre de bouteilles peut varier du simple au triple en fonction des aléas climatiques, c’est un sacré cocktail à réaliser pour trouver le bon tarif !

Quelques notions à définir

*Vous avez 3 références de vin sur une carte, à 5€, à 10€ et à 15€. Le client aura tendance à privilégier le juste milieu. Ni le moins cher – jugé trop bas de gamme –, ni le plus cher, mais plutôt celui à 10€. Mais si la carte possède des références allant de 5€ à 150€, le consommateur ne prendra pas celui à 10€, car il sera jugé trop bas de gamme en comparaison des vins aux dessus de 100€. Son choix s’orientera sur un vin de quelques dizaines d’euros supplémentaires. On vend plus cher simplement en ajoutant une bouteille à un tarif très élevé, bouteille qui ne sera peut-être jamais vendue.

**L’avance mirage est une avance qui va finir par fondre. Cela arrive lorsque vous êtes en avance par rapport à l’an dernier avec le même stock à vendre, et que tout a fini par se vendre l’an passé. Votre avance ne peut que fondre puisqu’il vous reste moins de stock que l’an passé et que tout le stock restant sur N-1 s’est finalement vendu, mais plus. On pensait être dans une bonne situation, et en fait non…

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