On parle souvent du tourisme quand il s’agit de revenue management. Il faut dire – que l’on parle d’hébergement, transport, parcs à thèmes… – qu’ils ont tous les attributs nécessaires à sa mise en place : un stock fixe et périssable, une segmentation, une demande fluctuante et une saisonnalité marquée.

Les univers du Retail et de la grande distribution sont quelque peu différents. On a un stock variable – on peut commander du stock supplémentaire s’il ne reste pas assez de crèmes solaires pour couvrir l’été -, des produits moins périssables – le shampoing non vendu aujourd’hui pourra l’être demain, voire dans plusieurs mois.

En revanche, la demande reste fluctuante et les périodes d’affluence sont prévisibles : le samedi ou en fin de journée, il y a plus de monde, c’est parfois le seul moment que l’on trouve pour faire ses courses. Par conséquent, un stock qui s’écoule plus vite, un réassort plus complexe ou moins rapide, et des coûts variables plus élevés (il faut plus de personnel en caisse et dans les rayons qu’un mardi matin où l’affluence est encore faible).

Faudrait-il en profiter pour faire varier les prix pour autant ? Faire payer aux ménages leur jus de fruits plus cher le soir pour le lendemain matin, parce qu’ils n’ont pas d’autre choix que de faire « comme tout le monde » ? Faut-il récompenser ceux qui s’organisent pour faire leurs achats en dehors des heures de pointe ?

Le Retail : obsolescence des produits et saisonnalité

Pas tout à fait. Premièrement, le retail est quelque peu différent de la grande distribution.

Côté retail, le stock est encore moins périssable. Contrairement à un yaourt, un ventilateur ne risque pas de périmer, sa seule chance de se voir destituer sa place en rayon est de voir le nouveau modèle sortir pour lui faire de l’ombre. Cette « obsolescence » de produit – parce qu’on sort une gamme nouvelle, plus évoluée, plus technologique, plus tendance – est d’ailleurs souvent le point de départ des opérations de déstockage où se retrouvent les produits « périmés » par le temps.

Par ailleurs, bien qu’ils soient moins périssables, leur attrait risque d’être bien différent selon les périodes de l’année, il y a bien une saisonnalité sur un ventilateur ou un maillot de bain. On a plus de chance de se voir acheter ce type de produits avant l’été, plutôt qu’en plein hiver où les granulés mettent le feu aux ventes, et aux poêles à bois qui ont eux aussi la cote.

L’enjeu est, pour les professionnels, d’identifier les périodes à faible demande et d’écouler leur stock en amont de celles-ci, pour pouvoir les remplacer par d’autres produits en rayon. Faute de quoi, ils paieront des espaces de stockage jusqu’à ce que leur heure soit de nouveau venue, et avant la fin définitive du cycle de vie du produit (on arrêtera sûrement de vendre ce tee-shirt après quelques années de collection).

La notion de « combien est prêt à payer mon client pour avoir ce produit tout de suite » est d’ailleurs de plus en plus exploitée. Certaines enseignes l’ont d’ailleurs tellement bien compris qu’ils augmentent leurs prix avant l’été – ou l’hiver selon le produit – et même juste avant noël, les malins.

La grande distribution : contraintes et pricing dynamique

Et alors, côté grande distribution, cela donne quoi ?

L’idée du revenue management, et plus précisément du pricing dynamique – focalisons nous sur ce levier – est d’identifier la contrainte. On l’a dit précédemment, la contrainte en supermarché est portée sur la tranche horaire, les clients affluent à 19h00 avant la fermeture. Mais la contrainte ne s’arrête pas là, il faut aussi penser aux coûts de fabrication, de rayonnage, réapprovisionnement… D’autant plus que la capacité de stockage est limitée, il faut donc vendre avant de pouvoir réapprovisionner et vendre à nouveau.

Il ne s’agirait donc pas uniquement de changer les prix en heure de pointe, mais aussi de prendre en considération tous les aspects de contrainte – notamment la capacité de rayonnage et de stockage – pour optimiser les revenus des enseignes.

Pour cela, place à la technologie. Au grand damne de certains résistants, l’étiquette papier, c’est bientôt fini ! En tous cas pour ceux qui souhaitent optimiser. Bienvenue aux étiquettes électroniques. En place depuis plusieurs années maintenant, elles permettent des changements de prix plus faciles, qui peuvent même être pilotés à distance, en temps réel, pour le plus grand plaisir de nos pricers. On pourrait donc faire évoluer les prix en fonction de l’affluence en temps réel dans le magasin, et même du stock en cours. Ah, la technologie fait des miracles…

Nos amis anglais l’ont bien compris, et utilisent cette technique dans un souci de non-gaspillage alimentaire. Lorsque les produits ne sont plus aussi frais, des remises sont appliquées pour vendre les fruits et légumes ou encore les viandes, avant de devoir les jeter. Question gaspillage et question logistique, c’est le combo gagnant.

“Mr Kat said reducing food waste by finding the “optimum” price point for food that is no longer as fresh could increase retailers’ profits by up to 30 per cent.”

La grande distribution peut donc utiliser des données en temps réel sur les tendances d’achat pour ajuster automatiquement les prix des produits en fonction de la demande. Si un produit se vend lentement, on utilisera des remises de prix pour stimuler les ventes, tandis que si un produit est en forte demande, le prix peut être augmenté pour maximiser les profits. Ces ajustements peuvent être réalisés de manière dynamique tout au long de la journée, en fonction de facteurs mentionnés plus haut tels que l’heure ou le jour de semaine et même des conditions météorologiques (n’êtes-vous pas prêts à payer votre pot de glace 10% plus cher en pleine canicule ?)

Cela vous parait injuste ? Pas forcément. Pour le consommateur, c’est aussi synonyme de prix compétitifs et justes car les prix peuvent être réduits pour les produits à faible demande – vous pourrez enfin vous offrir cette mousse au chocolat qui vous fait de l’œil depuis 2 jours. Par ailleurs, avec une tarification qui dépend de la demande, on oriente les consommateurs sur d’autres jours de semaine ou plages horaires, et on pourra profiter d’une affluence plus faible et une expérience d’achat plus agréable.

L’enseigne Casino, qui avait pourtant ouvert la voie, a fait marche arrière, faute d’une bonne stratégie (augmenter tous les prix de 30 % le dimanche n’a pas eu l’effet escompté, faute à la grille saisonnalisée plutôt qu’à la tarification dynamique). A en croire une récente étude de TF1, le groupe Monoprix, lui, a bien pris le sujet en main.

Alors que la technologie continue d’évoluer, il est probable que les étiquettes électroniques joueront un rôle de plus en plus important dans la stratégie de revenue management des supermarchés à l’avenir.

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