Tarification unique à la RATP, bonne ou mauvaise idée ?

« Le passe Navigo au tarif unique de 70 euros a été adopté ce mercredi par le STIF. Le passe unique sera élargi à la carte Imagine R dont bénéficient actuellement 825.000 jeunes. Pour les étudiants, le prix sera fixé au tarif de la zone 1-2 hors mesure d’aides aux boursiers, après concertation avec les organisations étudiantes.
La tarification sociale, pour les plus démunis (chômeurs, bénéficiaires de la complémentaire universelle, de l’aide médicale d’Etat, etc.), entre également dans le champ de la réforme : le tarif mensuel unique sera de 17 euros, l’hebdomadaire de 5 euros.
Le financement de cette mesure, estimé à 400 millions d’euros par an sera réparti entre les entreprises qui vont subir une hausse du versement transports et qui devrait rapporter 210 millions, le reste à la charge de la Région ».
Ces chiffres sont contestés par les opposants  qui tablent sur une participation de la Région à hauteur de 300 millions d’euros.
Source 20 minutes.

QUEL REGARD POURRAIT AVOIR UN DÉPARTEMENT DE REVENUE MANAGEMENT & PRICING SUR CE SUJET ?

En premier lieu, nous poserions la question de l’objectif fixé : simplifier les grilles tarifaires pour quoi faire ? Pour gagner des Clients ? Pour gagner de l’argent ? Pour que les usagers dépensent moins ?

Et pourquoi pas les 3 à la fois ?

POUR GAGNER DES CLIENTS

Évaluer s’il est possible de gagner des clients repose sur plusieurs facteurs :

  • Le réseau est-il saturé ? Cela commence mal. La réponse est oui. Peu de place pour accueillir de nouveaux usagers sur des horaires de bureaux. Il faudrait donc que les nouveaux clients occupent des lignes/tranches-horaire peu saturées. Sinon, le bénéfice d’un prix plus bas sera immédiatement annulé par une satisfaction client encore plus mauvaise qu’aujourd’hui à moins de rajouter des rames, ce qui présente un coût supplémentaire à considérer.
  • Le fait de baisser les prix va-t-il inciter de nouveaux franciliens à devenir usager et à acheter un passe Navigo ? On entre dans le sujet éminemment complexe de l’élasticité au prix, très difficile en pratique à mesurer, et qui donnera le volume additionnel de clients en fonction de la baisse du prix. Sujet d’autant plus difficile qu’il faudrait intégrer l’impact du financement des entreprises qui prennent en charge aujourd’hui tout ou partie du budget transport et dont les politiques pourraient évoluer.
  • Le fait de baisser les prix va-t-il réduire le nombre de fraudeurs ? Pourquoi pas mais la fraude doit se traiter par d’autres moyens. Une démarche de Revenue Integrity serait bien plus appropriée qu’une baisse tarifaire.

Nous serions intéressés de voir les hypothèses du STIF sur ces sujets-là.

POUR GAGNER DE L’ARGENT

Il faudrait reprendre les analyses ci-dessus et ajouter une dimension de dilution/induction  : pour ceux qui utilisent déjà un passe Navigo d’un montant supérieur au nouveau prix, cela se traduira par une perte sèche pour la RATP : ces usagers seront toujours là mais payeront moins. C’est de la dilution pure. Ce montant perdu serait à rapprocher du montant gagné par induction, c’est-à-dire par la recette induite par les nouveaux clients.

POUR QUE LES USAGERS DÉPENSENT MOINS

Et donc que les contribuables et/ou les entreprises dépensent plus. Nous n’entrerons pas dans le débat de la justice sociale où chacun de nous met le curseur où bon lui semble. Le fait « qu’en moyenne les usagers dépensent moins » dépendra de la part des usagers actuels qui sont aujourd’hui sur un passe Navigo plus cher que celui annoncé en tarification unique et de la part de ceux qui sont sur une formule moins chère. Ensuite, on fera dire aux chiffres ce que l’on veut, en fonction de ce que l’on veut montrer : soit on met en avant la somme des économies des uns versus la somme des dépenses supplémentaires des autres (ce qui revient à faire une moyenne pondérée par le prix), soit on compte le nombre d’usagers gagnants versus le nombre d’usagers perdants (moyenne non pondérée).

Quoi qu’il en soit, nous aurions aimé là aussi voir le détail des hypothèses prises par le STIF : on annonce environ de 400 millions de pertes (donc on comprend que les nouveaux usagers ne compenseront pas les pertes lié à la dilution). L’histoire nous dira si leur calcul était juste.

Une question pour finir : si le STIF a été capable de faire ce chiffrage et d’estimer qu’avec un tarif unique de 70 euros le coût de financement serait de 400 millions d’euros, pourquoi n’avoir pas calé le tarif unique sur un dispositif à l’équilibre, sans coût supplémentaire ? Nous espérons un jour avoir la réponse…

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