Le Yield contre vents et marées

C’est un sujet à la mode. Avec l’arrivée du Big Data, beaucoup de marchands de rêves se mettent à prédire que l’avenir du Revenue Management passera par un inévitable enrichissement de données : données clients, comparateur de prix, bases mondiales d’évènements, données météo…
Faisons d’abord remarquer que le problème est évidemment mal posé : on part de la techno, le Big Data, et on se demande ce qu’on pourrait bien y mettre pour compléter les données du Yield. On devrait plutôt faire l’inverse, s’interroger sur les leviers Yield que l’on ne couvre pas encore, ou pas assez bien, et ensuite seulement se poser la question de la techno éventuellement pour migrer sur du Big Data si la technologie actuelle n’est pas suffisante.

Mais intéressons-nous au cas le plus en vogue du moment, la météo.

L’IMPACT DE LA MÉTÉO

À les écouter, on croirait qu’il n’y avait pas vraiment de Revenue Management avant. Et que grâce à cette incroyable nouvelle, on allait enfin s’y mettre : « toutes les études sérieuses montrent qu’un week-end pluvieux a un impact décisif sur les ventes. Les gens restent chez eux et profitent du mauvais temps pour préparer leur vacances ». On n’en tenait pas compte jusqu’à aujourd’hui. On ne savait donc pas faire de Revenue Management. Merci de nous avoir éclairés.
L’idée serait bien-sûr d’augmenter les prix à ce moment-là, profitant de la plus forte propension des clients à réserver en cas de mauvais temps. Imposture !

Les 3 raisons du scandale :

  • LE PRIX N’EST PAS UN JOUET

Alors il pleut, on monte les prix, il fait beau, on les baisse ??? Et on joue avec le client de façon purement opportuniste comme d’autres le font avec l’IP tracking (voir article Revenue Manager et victime de l’IP tracking… Argh… !) ? Je suis peut-être devenu un vieux schnock du RM mais quand même : le prix n’est pas un jeu, c’est un levier qu’il faut manier avec précaution, en assumant sa politique tarifaire, en étant capable de justifier le prix auprès du client. Qui est capable de dire à un client : « chère Madame, il pleut, on vous a bien eu, on a augmenté les prix » ?

  • L’IMPACT EST MINIME

Sur un week-end pluvieux, il est possible que le processus de réservation d’un client (qui dure en moyenne 3 à 4 semaines) s’accélère, la prise de décision étant éventuellement avancée avec une plus vive concertation des amis ou de la famille autour des vacances. On ne nie pas cet effet-là. Mais il n’y aucune raison pour qu’il y ait au final plus de clients. Au pire, c’est la forme de la montée en charge qui en sera légèrement impactée. De plus, le week-end pluvieux est une période de réservation. Mais le prix est défini en date de séjour. Faudrait-il pour une chaîne hôtelière, sur un week-end pluvieux d’avril, augmenter tous les prix de tous les séjours de juillet-août, sur tous les hôtels ? Pour les baisser ensuite dès que le soleil revient ?

Par ailleurs, la météo n’est jamais la même d’une année sur l’autre au jour près. Pourtant, beaucoup de modèles de prévision actuels sont robustes et fiables. Certains hôteliers peuvent même se contenter de modèles basés sur N-1 tellement l’activité est régulière et les courbes de montées en charge superposables d’une année sur l’autre. L’impact météo est donc en réalité très minime.

  • IL PLEUT, ET ALORS ?

J’ai même entendu des remarques farfelues du genre : « il pleut la première semaine de juillet en Bretagne, baissons les prix pour le last minute ». Comme si baisser le prix de 10% faisait revenir le soleil. Comme si un client, déçu de la météo bretonne des premiers jours de l’été, était prêt à se dire : « mince, il pleut. Mais peu importe, on y va quand même parce que les prix ont baissé : on va pouvoir se balader sous la pluie pour pas cher,   génial ! ». Il faudra me présenter ce client-là.

J’invite donc à un peu de modestie et de modération les quelques experts du Big Data qui veulent révolutionner le Revenue Management. Il y a suffisamment de belles réflexions devant nous pour ne pas venir les polluer avec des non-sujets. Par exemple l’intégration des ancillaries revenues (revenus annexes) dans le processus de prévision et d’optimisation. Là, vous avez une belle carte à jouer. Mais de grâce, épargnez-nous les effets météo et autres balivernes. Un peu de patience, votre heure viendra…

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